« A Gentleman in Moscow », sur Canal+ : un chic type au pays des soviets (2024)

CANAL+ – JEUDI 13JUIN À 21HEURES – SÉRIE

Voici l’histoire d’un homme qu’une tragédie contraint au renoncement. Epicurien et dilettante, dont la fortune autorise les passions et l’oisiveté, il est d’un coup confiné et doit réapprendre à vivre en un monde soudain rétréci. Il aurait pu être atteint de tétraplégie ou ruiné par un krach. Mais, comme le titre de la série −et du roman d’Amor Towles(Fayard, 2018), dont elle est tirée− le laisse entendre, Alexandre IlitchRostov(Ewan McGregor) n’est victime ni de la maladie ni de la Bourse, c’est l’histoire qui l’a frappé.

Aristocrate dans le mauvais pays au mauvais moment, le ci-devant comte s’entend –au début du premier épisode, situé à l’hiver1921– signifier son assignation à résidence par un tribunal révolutionnaire. Et comme, dans cette version de l’histoire, le commissaire politique savait être bon enfant, la résidence en question est un hôtel de luxe dont le condamné ne peut sortir sous peine de mort, mais où la république des soviets lui offre le couvert. Là il apprendra une autre manière de vivre en société.

Cet exemple édifiant de rédemption individuelle se heurte encore et encore à la tragédie monstrueuse qu’a traversée la Russie de1917 à l’avènement de Khrouchtchev −c’est à ce moment que se conclut le récit, pas forcément la tragédie. Ce choc fait la singularité de A Gentleman in Moscow, entre drame familial et chronique des années de guerre, de purges et de famine. Et si, au bout du compte, cette contradiction finit par avoir raison de la série, elle offre à son interprète principal l’un de ses plus beaux rôles.

Incarcération dorée

Mauvais garçon écossais dans sa jeunesse(Petit* meurtres entre amis, Trainspotting), McGregor s’est fait plus tard Jedi(au long de la seconde trilogie de Star Wars, puis, plus récemment, dans la série Obi-Wan Kenobi), s’assurant une place aussi bien sur les plateaux hollywoodiens que sur les scènes des théâtres du West End londonien. Pour incarner un Rostov encore juvénile au moment de son incarcération dorée, l’acteur s’est confectionné une coiffure de boucles rebelles, une moustache conquérante, qui s’assagiront l’une comme l’autre au fil des épisodes, matérialisation de la sagesse et du sens du compromis qu’acquiert le comte au gré des péripéties.

Rostov est un grand enfant, prisonnier à la fois des conventions de sa classe et de son inexpérience du monde réel. Son interprète trouve l’exact équilibre entre naïveté et arrogance, courage et inconscience (voire imbécillité), forçant à chaque fois la sympathie. Le scénario suit à peu près le découpage du roman qui agrandit progressivement les intervalles temporels: si l’on suit incident par incident les premiers temps du séjour du comte Rostov à l’Hôtel Metropol, fréquenté aussi bien par la bohème moscovite que par la nomenklatura naissante, il faudra sauter à pieds joints par-dessus la seconde guerre mondiale.

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